Le Monument aux morts de Quintenas
Août 1919 – Décision du Conseil Municipal
Le Conseil municipal vote l’attribution d’une somme de 500 F pour la création, au cimetière, d’un Monument aux morts en mémoire des Quintenassiens disparus aux armées pendant le conflit.
Cette somme étant insuffisante, il décide de lancer une souscription qui sera proposée, dans chaque quartier de Quintenas, par le Conseiller Municipal qui y réside.
Selon la somme recueillie, il sera demandé un projet à l’architecte.
Nov. 1919 – Demande de subvention
Le Conseil Municipal choisit un des deux projets proposés par l’architecte, M. Luquet. Le devis pour l’érection du Monument aux morts s’élève à 8000 F.
Le Conseil décide de demander une subvention à l’état pour compléter la somme allouée par la municipalité de Quintenas et les sommes recueillies lors de la souscription auprès des habitants de la commune.
Mai 1921 – Somme supplémentaire votée
En 1921, les travaux ne sont pas encore achevés mais les montants recueillis sont insuffisants. Il semble qu’aucune subvention n’ait été accordée par l’état.
Le Conseil Municipal vote la somme de 1200 F pour terminer le Monument aux morts.
9 septembre 1923 – Inauguration officielle
Le Conseil Municipal fixe la date de l’inauguration au 9 septembre 1923.
« Sont à Quintenas : Vallat[1], Glaizal[2], Ribes (maire). Discours des 3. L’oncle Jules[3] dépose une palme sur le monument et dit quelques mots.
Grand banquet à Brézenaud chez Ribes.
À 15h, concert par la Ste Cécile d’Annonay. »Source : Carnets de Jean Vergne, soldat de Montjoux
1 Xavier Vallat, député de l’Ardèche de 1919 à 1924
2 Émile Glaizal, conseiller général du canton de Satillieu de 1920 à 1940
3 Jules Vergne, cultivateur, demeurant rue de la Chapelle. Son fils Marius a été tué à Metzeral, en Alsace, en juin 1916
Le compte rendu de cet événement exceptionnel figure dans les registres des délibérations du Conseil Municipal.
Les sépultures de guerre
Lieu d’inhumation connu pour 15 soldats
Seuls les combattants inhumés dans des nécropoles militaires ou dans les carrés militaires des cimetières communaux ont été répertoriés par le Ministère de la Défense.
On connaît l’emplacement de la tombe de 14 soldats de Quintenas dans les nécropoles militaires.
Les familles demandaient parfois à récupérer les corps des défunts pour les faire enterrer dans le caveau familial. Toutefois les frais d’acheminement étaient à leur charge.
On n’a pas la certitude d’inhumations à Quintenas pour les soldats morts au combat entre 1914 et 1918.
La guerre étant une guerre d’artillerie, la puissance et la fréquence des salves bouleversaient sans cesse le champ de bataille, disloquant et enterrant bon nombre de soldats avant qu’ils n’aient pu être inhumés.
Les dépouilles de nombreux soldats n’ont jamais pu être identifiées et d’autres combattants ont purement et simplement été portés disparus.
Un soldat a été porté disparu : Joseph Martel.
Le soldat Pierre Bonnet, de Pique-Châtaignes a été porté absent pendant 13 jours avant que ses camarades ne retrouvent son corps.
Les nécropoles militaires
En France, il existe 265 nécropoles nationales où reposent 740 000 corps et près de 2 000 carrés militaires communaux.
En 1914, la fosse commune restait la norme pour l’Armée française. Cette pratique fut rapidement contestée par les soldats eux-mêmes, les anglais et les allemands ayant adopté des pratiques d’inhumation soucieuses de l’individualité du soldat.
Une loi de décembre 1915 a entériné la sépulture individuelle et permanente dont l’entretien est confié à l’État à perpétuité.
Sépulture dans une nécropole nationale
Tombe de Marius Vialette d’Égueyze située à Pontavert (Aisne), à 27 km au Sud-Est de Laon.
Il fut tué à Craonne (Aisne), le 20 avril 1917, lors de l’offensive Nivelle sur le Chemin des Dames.
Les français perdirent 200 000 hommes pendant cette bataille. Les tirailleurs sénégalais furent les plus touchés (7 000 tués sur 16 500 engagés).
Corps disparus ou dispersés
« C’est de la boue et du cadavre. Oui, du cadavre. »
De 1914 à 1918, près de 70 % des pertes en vies humaines ont été provoquées par l’artillerie lourde ce qui explique les nombreux corps disparus, non reconnaissables ou mutilés, empêchant souvent l’identification du soldat.
Un tiers des corps des poilus ne fut pas identifié.
Témoignage de Jean Vergne, soldat de Montjoux, arrivant dans les tranchées de Verdun à l’aube du 25 mai 1916 :
Il fait jour maintenant ; je constate que les parois de cette tranchée ne sont qu’un pâté de chair humaine et de terre avec mille débris d’armes et de vêtements. Cette terre a été torturée et retournée partout ; ces cadavres ont été enterrés, déterrés, mis en morceaux, dispersés et pétris avec la terre.
Où et quand est mort le soldat Joanny Thoué ?
Joanny Thoué, cultivateur à Brun, avait 29 ans. Il était soldat au 261e Régiment d’Infanterie.
Il figure sur un état de pertes dressé le 20 septembre 1914 par le chef de corps d’après les affirmations des survivants des combats de Saint Maurice et Thillot sous les Côtes (Meuse).
Lorsque l’officier chargé de l’état civil a voulu établir l’acte de décès, il n’a plus trouvé de témoins vivants. Il a donc dressé un procès verbal de déclaration de décès indiquant le jour et le lieu où il se trouvait : « le 25 septembre 1914 à Lacroix sur Meuse« .
Il faudra attendre le 26 avril 1917 pour que le jugement du Tribunal de Tournon établisse l’acte de décès (le 20 septembre 1914 à Thillot sous les Côtes) et donne ordre de le retranscrire dans les registres d’état civil de Quintenas.
Le caveau familial
À défaut de pouvoir récupérer les dépouilles de leurs soldats afin de les inhumer à Quintenas, beaucoup de familles ont fait mentionner leur nom “En mémoire…”.
Parfois un service religieux a été célébré comme pour le soldat Auguste Ribes, de Brézenaud, qui fut tué à l’ennemi le 19 mars 1915 à Beauséjour (Marne).
Mme Auguste RIBES & ses filles Françoise & Simone;
M & Mme René RIBES; M & Mme Léonce BÉCHETOILLE;
Mme Auguste RIBES; Mme Félix MIGNOT;
M Roger RIBES, sergent au 8ième régiment d’infanterie coloniale mixte;
M Pierre LUQUET de SAINT GERMAIN, maréchal des logis & Mme;
M Robert DURIEU, automobiliste au 14ième régiment du train & Mme;
Melles Denise, Christine, Alix & Edmée BÉCHETOILLE,ont la douleur de vous faire part de la perte cruelle qu’ils viennent d’éprouver en la personne de M Auguste RIBES, licencié en droit, lieutenant , commandant de la 30ième compagnie, mort pour la France le 19.3 à Beauséjour (Champagne) à 28 ans.
Le service religieux sera célébré le mardi 11.5 à 10 h dans l’église de Quintenas.
Priez pour lui.
Brézenaud le 6.5.1915″.
L’information des familles
Le Ministère de la Guerre charge généralement le Maire d’annoncer la disparition du soldat à la famille.
Parfois des camarades de combat témoignent et envoient eux-mêmes la triste nouvelle aux parents, à l’épouse de leur ami.
Monsieur le Curé
J’ai la douleur de vous annoncer la mort de Monsieur le Lieutenant RIBES du 342e, Minotier à Annonay.
Mon ami, je l’avais en très haute estime, a été tué hier vers 16 Heures tandis que sa Compagnie se portait au secours des premières lignes attaquées un obus l’a frappé en pleine poitrine et l’a enterré dans la tranchée.
On n’a pas pu encore retrouver son corps, il a été frappé à 200 Mètres Nord de la ferme de Beauséjour (Champagne).
A sa Compagnie tout le monde le pleure, les soldats viennent me conter leur peine en pleurant, plus d’un aurait préféré mourir à sa place, tous déclarant qu’on ne pourra le remplacer.
Le Lieutenant RIBES était un homme de devoir, il souffrait de notre inaction, il voulait aller de l’avant se dévouer, il eut été volontaire pour toutes les missions difficiles sans ses enfants dont il me parlait bien souvent. Ils pourront être fiers de lui.
Pour moi je l’aimais beaucoup à cause de ses sentiments chrétiens et de nos communes idées. Sa conduite au régiment a été irréprochable. Le Bon Dieu lui aura fait miséricorde.
Agréez Monsieur le Curé l’assurance de mes respectueux sentiments.
Joseph LAPISSE, Sous-Lieutenant, Mitrailleur, 342e, Secteur 140.
Sous-Diacre du Diocèse d’Albi.
Le Sous-Lieutenant LE CARRER a été tué à côté du Lieutenant RIBES qu’il secondait.