La censure
Dès les premières heures de la guerre, la liberté est entravée.
Documents publics et privés surveillés
La censure s’exerce dès les premiers jours de la guerre. Le service de la censure a été créé dès le 30 juillet, avant la mobilisation générale. Elle vise tout d’abord les journaux et leur interdit de publier une nouvelle de guerre qui n’aurait pas été visée par le bureau de presse du ministère de la guerre. L’objectif de surveiller les informations militaires et diplomatiques qui serait susceptibles de donner des indications à l’ennemi va rapidement devenir un outil pour orienter l’opinion et lutter contre le défaitisme. Elle remplit trois rôles essentiels pour le gouvernement français :
- tenir les soldats et l’arrière et contrôler les voix dissonantes,
- convaincre les opinions des pays encore neutres,
- influencer, démoraliser et désinformer l’adversaire
Une sorte d’Union sacrée s’installe entre le gouvernement, l’armée et la presse et favorise une forme d’autocensure. Les lois concernant la censure sont activées ; en France, c’est un texte de 1849 sur l’état de siège auquel on se réfère.
L’administration met en place :
- les bureaux de censure : Paris surveille la presse nationale, 5 000 censeurs locaux se chargent de la presse régionale,
- des organismes de propagande militaire et civile,
- des commissions de contrôle postal pour le front et pour l’arrière.
Moyens de communication bloqués
L’écrit n’est pas le seul moyen de communication que l’état français souhaite maîtriser. Le téléphone et la TSF sont interdits dans les premiers jours de la guerre.
Information sous contrôle
Les registres de censure recensent des consignes générales visant la presse, mais aussi les spectacles. Dans ce cahier, entre autres, on note le 17 décembre à 12h30 que le décès de l’aviateur de Beauchamp ne doit pas être diffusé afin de ne pas altérer le moral des soldats et de l’arrière.
Le contrôle postal aux armées a pour but de connaître l’opinion des soldats mais aussi d’interdire la diffusion depuis l’arrière de certaines idées sur le front. Il entend filtrer les indiscrétions militaires sur les mouvements de troupe ou les nouvelles alarmantes. Pratiquée par échantillonnage dans chaque régiment, renforcée à partir 1917 (à raison de 500 lettres par mois et par régiment), la censure du courrier n’arrive pas à tout retenir. Les soldats trouvent des astuces pour communiquer avec leurs proches.
Lettres de Jean Vergne, soldat de Montjoux : Je ne vous dirai pas le nom de l’endroit où je me trouve mais tant que je ne vous dirai pas que nous avons changé vous saurez que je me trouve toujours au même endroit.
29 juillet 1915
Nous logeons sous les petits pins dans des huttes semblables à celles des tribus sauvages, faites de terre et de bois. C’est dans ces bois que l’on a notre repos et non plus dans ces bourgades qui s’appelaient R. M. H. etc. Ici, ce n’est pas la Picardie, c’est presque un désert, ce sont des régions crayeuses et incultes, des pays secs et éloignés des villes et des villages. En un mot, des terres désertes qui s’étendent à Perthes* de vue.
21 août 1915
* Jean est dans les tranchées à Perthes-les-Hurlus. Il n’aurait jamais commis une telle faute d’orthographe si ce n’était dans l’intention d’indiquer sa position à ses parents sans risquer la censure de sa lettre.
Les Allemands pratiquent également la censure sur les courriers reçus ou envoyés par les prisonniers. Toute opinion sur l’Allemagne et les Allemands, toute indication de travail effectué en Allemagne pour les militaires (tunnels, usines…) sont systématiquement censurées. Les lettres arrivent souvent caviardées de noir.
Le gouvernement Clémenceau n’abrogea officiellement la censure qu’au moment de la suspension de l’état de siège dont elle était un prolongement, le 12 octobre 1919.
Les restrictions de liberté
Les restrictions de liberté
Dès la déclaration de guerre, en août 1914, il devenait impossible de se déplacer sans autorisation de l’administration.
La famille Badel bénéficie de laissez-passer pour se rendre de Valence, son lieu de résidence habituel, à Frachon, ainsi que de Valence à Montpellier où M. Badel est affecté.
Marguerite Badel note dans son agenda, en date du 2 août 1914, que tous les ponts sont gardés sur le trajet.